20 septembre - Aube d'or
En épluchant mes haricots qui sont jaunes et clairs et sans histoires, je songe à un article lu ce matin dans Ouest France : demain cela fera 70 ans que huit résistants de Fougères furent décapités à Munich dans l’Allemagne Nazi.
On voyait aussi une photo d’Huguette Gallais, la femme de l’un d’entre eux, également déportée mais qui survécut. Elle pesait, dit-elle, 28 kilos en rentrant des camps.
Et je songe à tous ces matins où je me lève malgré tout, où je me dis quel bonheur d’être là, quand d’autres là-bas ont tant souffert. Quand d’autres, à cette heure, un peu partout sur la planète, souffrent tant !
L’horreur des camps, vision quotidienne. Les camps du monde. Pour continuer à marcher, confiant malgré tout, sur ce monde.
Et je me lève.
Il faudrait que je lui dise à cette vieille dame – Yvonne Gallais – que ma mère était serveuse à Fougères, en 1943, dans cette rue Nationale, au bar des Bons Amis où, dans le secret découvert des étages, fut arrêté l’essentiel du réseau.
Lui dire aussi que la patronne de ce bar attendait un enfant que la frayeur de ces cuirs, de ces aciers de mort et de ces cris de haine lui fit perdre les jours qui suivirent.
Un autre petit être – combien furent-ils ? – qui s’en allât rejoindre le peloton des anges anonymes de cette guerre-là. Combien sont-ils les anges de chaque jour dans cette guerre éternelle du monde ?
Je songe à mes filles qui portent des petits. Comment dit-on fabriquer un enfant ? Enfanter, créer… ? Il n’y a pas de terme assez beau, assez vrai, assez simple pour dire cette vie qui commence, loin des regards, juste dans le frisson d’amour protecteur d’un ventre.
Fougères - 20 septembre 2013