Compartiment - Umberto Fiori - 1998
L’autre soir dans le train
(le dernier, toujours plein) une jeune fille
jetant de temps à autre un coup d’œil rapide autour d’elle,
plaisantait à voix hautes sur ses amours ratées,
sur son nouveau travail dans l’étude
d’un avocat, sur ce qu’elle était calée
– mais le travail : triste – et comptait
ce qu’elle avait dans sa poche, en public, lire par lire.
Quand ils se mettent à nu
de cette façon, devant des gens jamais vus
et que la vie – la leur –
ils vous la mettent sous le nez comme celle
de n’importe qui, comme ça, jusqu’à l’os,
elles sont tellement belles,
certaines personnes,
tellement pures qu’elles vous font trembler.
Elles parlent comme si nous étions
tous à tous. Elles se mettent entre les mains
de ceux qui sont là
comme un chien qui se laisse
serrer le museau par son maître,
les oreilles baissées, les yeux fermés.
En les écoutant parler
toi aussi tu fermes les yeux : tu voudrais
t’enfoncer, et au contraire tu grandis,
à l’intérieur, tu deviens abrupt,
illimité et puissant comme ce rien qui les a fait naître.