Fado
Je demande à mes plus anciens amis de m'excuser de remettre en ligne cet article. Je ne le retrouvais pas et je voulais le faire lire à ma nouvelle amie Hécate qui, comme moi, est une amoureuse, une inconditionnelle du Fado. Et puis un peu de poésie pour adoucir cette horreur qui va s'abattre sur la planète...et surtout, là-bas où le soleil se lève...
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D’abord, il y a Lisbonne, la capitale qui ne se visite pas, non ! Qui se respire, qui se ressent, comme le poème, comme la jolie femme ! Lisbonne, ses bars, ses restaurants où, au 19ème siècle est né le Fado, ce chant étonnant, langoureux ou rapide, nostalgique et malgré tout joyeux, de ses joies indéfinissablement mélancoliques. « Fado Portugal » longue plainte, de « saudade* » submergée mais aussi mélange de volupté, de parfums et de pudeur. « Fado Portugal » cri vivant de poésie et d’un Brésil vénéré mais perdu par des colons une nouvelle fois déracinés !
Ainsi donc, aux accents du Cap Vert ou d’Amérique, le Fado rythme encore les soirées lisboètes et invite à l’harmonie universelle de la langue et de la mélodie !
Et puis, il y a Coïmbra, la ville ocre, ancienne, la ville universitaire sur les hauteurs du Rio Mondego. Coïmbra, l’autre temple du Fado où se perpétue sa tradition.
Le soir, en capes noires et amples, comme des prêtres antiques, les étudiants descendent de l’université pour jouer de la guitare portugaise et chanter devant la porte séculaire de l’Al Médina.
On les aime, comme on aime le Portugal !
On les quitte seulement pour rejoindre les bars à Fado des ruelles sombres pour amoureux et initiés.
Et on pleure, on pleure encore, parce qu’il le faut, parce que la voix vous trouble et vous envoûte… vous défait de vous-même !
Oui ! Le Fado est noir, et lumineux comme sont larmes et comme est l’Homme !
Ensuite, c’est un soir encore, mais de décembre celui-là, à St Brieuc avec Mariza, la Portugaise du Mozambique et de Lisbonne, la jeune chanteuse aux grands yeux africains et au casque d’or. C’est une nuit de tempête et de pluie sur la Bretagne. Une de plus, qu’importe ! Nous sommes dans le temple, et la vestale fait pleurer les Dieux : Mariza, belle, exquise, fascinante, frôlant nos cœurs comme les soleils des soirs sur le Tage.
Et puis encore, toujours, le Fado ! Cette fois-là, c’est plus loin et c’est tout près ! C’est Katia, Katia Guerreiro, la petite chanteuse aux mains nouées dans le dos pour mieux nous ouvrir son cœur. Guerreiro, un nom déjà comme un poème de Fernando Pessoa qui nous parle de la terre, des mains et des pierres du Tras os Montes, ce pays oublié « de l’autre côté des montagnes ». Pessoa que Katia chantait ce soir d’été 2004 dans notre château de granit et d’éternité, lui aussi !
Katia, je n’avais rien oublié de ta voix d’or qui m’avait fait pleurer de la première à la dernière syllabe !
Tu nous es revenue, ce 11 mars dernier, merci Juliette Drouet* toi qui chantais le grand poète, toi qui aussi, pleurais l’absence…
Obrigado Fado !
Obrigado*’ Portugal !
*Saudade : Magnifique mot portugais qui signifie (à peu près) mélancolie
et qui revient souvent dans les chansons poèmes
* Juliette Drouet : Maîtresse de Victor Hugo dont notre centre culturel de Fougères porte le nom.
*’Obrigado : Merci, en Portugais