Je me souviens...

Publié le par Serge Prioul

 

 

 

 

Je me souviens

De la lumière des jours ensoleillés de l'enfance

Du goût de la peinture mordue du berceau

Des doubles rideaux aux visages

Sous mes pieds frileux d'enfant d'un fer chaud et douillet dans un linge.

 

Je me souviens

Du premier homme noir rencontré

D'un stylo avec un bateau dedans

De l'escalier de la cave

Du plancher de la classe

Du préau pierreux et poussiéreux

D'avoir lu l'Ile Mystérieuse

 

Je me souviens

Des bobos aux genoux

De ma première blouse de nylon

Du goût de la colle blanche

De la Panhart bleu marine et chrome de Papa

Des arbres qui défilaient dans les phares

De mes cuisses nues sur la terre battue de la pièce

 

Je me souviens

Des rochers dans les champs

Des chiens qui creusaient sous les niches

Des vaches à l'abreuvoir

De la peau sur le lait

Des longs poils blancs aux pieds de l'étalon noir

Des châtaignes grillées

 

Je me souviens

Des chemins poussiéreux et des dénichages

Des haies

Des glands sous les pas

Des lessiveuses et de l'odeur des feux dans la buanderie

Des dimanches à la pêche si pleins de soleil

De l'odeur des truites dans l'herbe

De l'odeur de l'herbe sur les truites

 

Je me souviens

De l'odeur de poudre dans la carrière

Des gouttes de sang séchées sur les joues de Papa

D'un quartier plein d'enfants

Des premiers contacts avec les filles

De toutes les femmes

 

Je me souviens

De regard d'enfants alignés

De trains très noirs et très blancs

De femmes nues qu'on fusille

Des camps

Des femmes aux crânes rasés

 

 Je me souviens

Du gendarme qui sifflait les voitures

D'animaux que j'ai tué

D'oisillons que j'aurais voulu sauver

D'une nuit de cellule

De nuits d'alcool

Des matins à vomir

Des bagarres

D’hôpitaux psychiatriques

 

Je me souviens

De mon frère mort

De la magie des naissances

D'un bébé qui va mourir

D'un jardin peuplé de cris et de rires d'enfants

Des aurores d'été

Des départs avant le jour

 

 Je me souviens

Du bruit des vagues

Des belles mains des femmes noires

Des premiers seins caressés

Des galets brûlants sous les pieds

De la première image télévisée

 

Je me souviens

D'avoir coupé le moteur du voilier

De l'odeur des cirques

Des frissons dans le dos

Des tambours des Sambas

Des maisons claires des bords de Loire

De mon premier amour

 

Je me souviens

De la Mosquée de Cordoue

De la chaleur de la Meseta

Des regards et des mains tendues

D'un homme chaussé de chiffons

 

Je me souviens

D'un Noël sans vin

Du regard heureux d'une fillette

 

Je me souviens longtemps du dernier regard croisé

 

 

 

******

 

 

Voilà un exercice d'atelier d'écriture bien commun, mais :

 

"Dis moi  ce dont tu te souviens et je te dirai qui tu es."

 

 

 

 

 


 

 

 

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C
<br /> Bonjour Serge ! Me voilà enfin ! "Débordée !" Mais ça va ! Ce poème sur le souvenir est merveilleux. Il parle de choses simples, mais qui restent<br /> profondément ancrées dans le coeur, les yeux et la mémoire. Il m'a beaucoup émue. Merci. je te fais de grosses bises. Excellent week-end !<br />
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S
<br /> <br /> C'est chouette, d'avoir inventé le souvenir ! Que serions-nous sans cela ?<br /> <br /> <br /> <br />
B
<br /> çà y est, il y sont tous les 2<br /> <br /> <br /> et comme jamais deux sans trois ...<br />
Répondre
S
<br /> <br /> Cool !<br /> <br /> <br /> Dis donc, les truites avait de la chance : une petite caresse sur le ventre ! (je plaisante... le vieux satyre en moi !)<br /> <br /> <br /> <br />
B
<br /> je viens d'écrire un long com.<br /> <br /> <br /> over-blog me dit qu'il a bien publié.<br /> <br /> <br /> et puis rien.<br /> <br /> <br /> peut-être tout à l'heure va-t'il ressurgir des profondeurs, je n'ai pas le courage de réécrire toutes mes émotions à cette lecture.<br />
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S
<br /> <br /> J'ai bien, eu le premier commentaire. C'est vrai que ces ratés d'Over-blog sont frustrants et on se sent découragés quand on doit le réécrire.<br /> <br /> <br /> <br />
B
<br /> et bien dis-moi ! un merveilleux exercice d'atelier...<br /> <br /> <br /> Plein de réminiscences à cette lecture, qui m'a fait re-sentir l'odeur du lait sorti du pis de la vache, réentendre le brouhaha des parloirs de la prison de Sète, et me remémorer le désespoir des<br /> visites à l'hôpital psychiatrique où j'ai eu le malheur de voir mourir mon père.<br /> <br /> <br /> sans parler des truites dans l'herbe car j'ai aussi pêché ( à la main, mais chut!! )<br /> <br /> <br /> Merci <br />
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S
<br /> <br /> Le goût, l'odeur, voire la puanteur : des éléments forts du souvenir.<br /> <br /> <br /> <br />
G
<br /> Exercice peut-être, mais tellement de sincérité, une nostalgie à fleur de peau...<br /> <br /> <br /> Bienvenue au club!<br /> <br /> <br /> amitiés<br />
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S
<br /> <br /> Merci Gwen-Maël. Comme je le dis souvent, l'écriture n'est pas ce qu'on raconte mais ce que l'on transmet. Si j'ai fait passer la sincèrité c'est à coup sûr pas trop<br /> mal réussi.<br /> <br /> <br /> <br />