Le tri - Tristan Cabral
Un article comme un clin d'oeil à une amie rencontrée hier et qui se reconnaîtra.
Un article qui n'est pas, non plus, un clin d'oeil.
Le Tri
Les préposés au tri passent entre les lits... Dans un petit bureau, un infirmier chef joue les matchs gagnants.
Un vieux malade dit à l'entrant : "Ici, on sait quand on arrive, on ne sait pas quand on sort. C'est bien mieux en prison !"
C'est gai ! Et toujours un bruit incessant de chariots. On dirait qu'on roule des cercueils... Et l'odeur tenace de détergents et de haricots... comme en prison...
Une femme en robe marron, plutôt moche, embrasse son fils et part, presque en courant. Elle dit au surveillant : "Gardez-le bien, je vais être tranquille pour six mois." Et le garçon lui dit presque en pleurant : "Maman, tu ne le penses pas... Dis, tu ne le penses pas ?"
Les ambulanciers commentent les résultats du foot. Les secrétaires racontent leurs dernières vacances au Club Med. Ca baigne... Elles disent aussi que trop de crayons disparaissent, qu'elles vont le dire au directeur...
Le tri est fait. Certains entrants vont aux chambres aux murs capitonnés de force : ceux qui sont dangereux pour eux-mêmes, on les aura à l'oeil, les autres pas.
Ici, on prend les vêtements, et on confisque tout ce qui pourrait servir à écrire. Et bien sûr, on ne peut prévenir personne. On prend la T.A. et ensuite, 25 mg des Nozinan. Le Compralgyl viendra après, si agitation.
Toucher à un infirmier, c'est l'isolement immédiat.
Surtout, recracher les médocs, s'ils te forcent à les avaler.
Voilà. L'entrant a été trié. Ca rappelle vraiment quelque chose, là-bas, il n'y a pas longtemps, de l'autre côté du Rhin...
Tristan Cabral
H.D.T. (Hospitalisation à la demande d'un tiers)