Un certain Verlaine (bis)
Pour le plaisir et aussi parce que j’ai pas mal d’articles des origines du blog qui ne sont pas classés, parce qu’aussi je n’ai plus d’inspiration*, je republie le poème de Verlaine :
******
Ah ! l’Inspiration superbe et souveraine,
L’Egérie aux regards lumineux et profonds,
Le Genium commode et l’Erato soudaine,
L’Ange des vieux tableaux avec des ors au fond ;
La Muse, dont la voix est puissante sans doute,
Puiqu’elle fait d’un coup les premiers cerveaux,
Comme ces pissenlits dont s’émaille la route,
Pousser tout un jardin de poèmes nouveaux ;
La Colombe, le Saint Esprit, le saint Délire,
Les Troubles opportuns, les Transports complaisants,
Gabriel et son luth, Apollon et sa lyre,
Ah l’Inspiration, on l’invoque à seize ans !
Ce qu’il nous faut à nous, les Suprêmes poètes,
Qui vénèrons les Dieux et qui n’y croyons pas,
A nous, dont nul rayon n’auréola les têtes,
Dont nul Béatrix n’a dirigé les pas,
A nous qui ciselons les mots comme des coupes
ET QUI FAISONS DES VERS EMUS TRES FROIDEMENT,
A nous qu’on ne voit point les soirs aller, par groupes
Harmonieux, au bord des lacs et nous pâmant,
Ce qu’il nous faut à nous, c’est, aux lueurs des lampes,
La science conquise et le sommeil dompté,
C’est le front dans les mains du vieux Faust des estampes,
C’est l’Obstination et c’est la volonté !
Ce qu’il nous faut à nous, c’est l’étude sans trêve,
C’est l’effort ïnoui, le combat non pareil,
C’est la nuit, l’âpre nuit du travail, d’où se lève,
Lentement, lentement, l’Œuvre, ainsi qu’un soleil !
Libre à nos inspirés, cœurs qu’une œillade enflamme,
D’abandonner leur être au vent comme un bouleau.
Pauvres gens ! L’Art n’est pas d’éparpiller son âme :
Est-elle en marbre ou non, la Vénus de Milo ?
Paul Verlaine
(Tout est dit.)
*C’est même pas vrai !!!