A un bassiste
C’était un jeudi soir de vibrations sur la scène du Coquelicot. L’affiche annonçait B. Roy et sa bande. Chansons françaises. Nous n’en savions pas plus.
Trois musiciens sont arrivés sur scène : B. Roy, chef de bande, affichait un look d’enfer : va-nu-pieds, short, boucle d’oreille et cheveux ras (j’ai d’abord cru qu’il n’avait pas eu le temps de s’habiller !), gueule d’évadé des galères, avec malgré tout comme une sacrée petite lueur dans le regard.
B. Roy, Bruno pour les intimes, maître d’œuvre à l’accordéon et à la voix, un p’tit homme, mais pas comme les p’tits mecs !
Excuse-moi, batteur j’ai oublié ton nom, mais pas tes rythmes exaltés sur cette batterie sommaire quasi portative comme en démesure avec ta quarantaine ventripotente qui nous découvrait des bras de camionneur d’autrefois.
Puis il y avait toi, troisième, bassiste, long asticot maigrelet sous cheveux longs. Mi Italien par le sourire, mi Argentin par le mystère. Chapeau indien comme un instrument de ta douceur ! Avant toi, je crois, je n’avais jamais vraiment ni vu ni entendu jouer de basse. Tes doigts fins et souples jouaient à l’amour et à la tendresse avec ces grosses cordes rondes et graves qui vibraient bizarrement, à la limite du cri, quelque part dans la gamme entre sensualité, langueur et plaisir !
Plus de guitare, plus de cordes ! Tu t’effaçais presque, disparaissais dans le son, dans l’abandon des limbes quelque part au bord de l’absolu de la caresse.
Puis tu saluais, le soulevant ce chapeau mou, l’offrant ce sourire ! Merci, chapeaux bas, l’artiste !