Fougères, une rue.

Publié le par Serge Prioul

« Je ne suis pas de Fougères … » dis-tu.

 

Mais qui peut donc dire qu’il faut y avoir vu le jour pour en être ?

 

Voilà près d’un demi siècle ma mère m’a mis au monde à la maternité mais j’ai toujours vécu là-bas, vois-tu, de l’autre côté de la forêt, aux confins de la Bretagne et de la Normandie, dans le pays des granits.

Fougères je ne l’ai connu, reconnu que bien plus récemment. En même temps que je retrouvais, tel un enfant, le plaisir de vivre. Et depuis, par les rues, par les quartiers, ferveur et solitude au cœur comme pour mieux porter ma pensée, je chemine …du couvent des Urbanistes aux Jardins du Nançon, du  château au théâtre, du théâtre à St Léonard…

Et c’est là, plus qu’ailleurs sans doute, dans cette rue Nationale,  que la ville m’envahit, s’empare de moi, me comble aussi, comprends-tu cela ?

J’aime cette rue au qualificatif dans lequel pourtant je ne me retrouve guère, mais qui heureusement, a perdu pour moi son sens premier.

Je l’aime parce qu’elle était là quand il le fallait, offerte, participant, communiant avec mon envie de vivre.

Oui, désormais, que la pluie lisse le pavé ou que le soleil la dessèche, ma vieille amie m’accompagne vers la lumière. Jamais je n’y passe sans ressentir en moi cette joie d’être et de me sentir être.

Souvent je laisse ma voiture au fond de la rue de Vitré ou sous les sabots du cheval de Lariboisière et, plutôt que d’aller en droite ligne à  la banalité de mes affaires, je hisse mes kilos jusque devant la bibliothèque pour le seul plaisir de reprendre – en même temps que mon souffle – la rue que j’aime.

Qu’importe alors  si j’allonge  ce pas décidé que tu me connais ; sais-tu aussi comme mon cœur flâne et chemine son plaisir ?

Le Beffroi, lui est  là, toujours là ; le petit bar du coin aussi où il y a bien longtemps ma jolie mère était serveuse ; la place des halles guette son jour et le théâtre, aussi patient qu’un livre, compatit aux travaux d'en face.

Il faut un temps pour tout. J’ai, moi, celui de vivre !

 

Puis je continue jusqu’à la  Place d’Armes pour savourer un thé en rêvant aux fontaines, aux femmes et aux étoiles. Dieu, si tu savais comme la boisson est douce et troublante lorsqu’elle a ainsi ce goût de solitude !

 

Après juste le temps qu’il faut, l’air toujours pressé, je m’en retourne prendre le bras, ou plutôt le pas de ma rue-maîtresse.

On me croirait presque pressé.

Si on savait mon bonheur de n’avoir rien perdu de ce moment rapide et de cette essence des choses qui s’offre au promeneur solitaire.

 

 

                                Octobre 2003

Publié dans Fougères

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C
<br /> <br /> Tu sais que j'aime l'atmosphère de tes écrits. C'est agréable de se promener dans Fougères avec toi et de partager ton plaisir et tes émotions. Ceci grâce à ta belle écriture. Grosses bises.<br /> <br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Merci d'apprécier. J'aime les mots comme, enfant, les jeux de construction.<br /> <br /> <br /> <br />
E
<br /> <br /> Bonsoir<br /> <br /> <br /> Avec un dimanche nuageux au bord de la pluie petit passage dans ton monde pour te souhaité une bonne soirée bisous de nous deux<br /> <br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> En Bretagne, nous ne sommes pas au bord... mais carrément sous le déluge. Tant mieux, les parigots n'ont qu'à aller frimer ailleurs.<br /> <br /> <br /> Bisous à vous deux.<br /> <br /> <br /> <br />
G
<br /> <br /> J'en ai profité pour lire ton texte...<br /> <br /> <br /> Admirable ! Tu es bien où tu te trouves, en toute simplicité.<br /> <br /> <br /> Moi aussi! Mais sache que pour les rapatriés ou les immigrés, le déracinement peut prendre toute une vie avant d'être pleinement accepté...C'est cette vie entre parenthèses qui nous<br /> permet de trouver la paix dans un nouvel enracinement.<br /> <br /> <br /> Merci pour ce texte...<br /> <br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Oui, comme tu le dis : "en toute simplicité". C'est à cela qu'il faut se limiter ; il y en a tant qui recherchent en vain des essentiels qu'ils frôlent sans<br /> deviner.<br /> <br /> <br /> Pour ce qui est des émigrés et rapatriès, saches que je les aime... je crois que c'est, justement, parce qu'ils conservent en eux un peu de leur pays et qu'avec cela<br /> seul, par je ne sais quelle émotion qu'ils dégagent, ils font voyager celui qui s'ouvre à eux.<br /> <br /> <br /> <br />
G
<br /> <br /> Je viens de chez DB pour répondre à ce que tu veux obtenir...<br /> <br /> <br /> On peut avoir l'image au maxi de l'écran...Procédure à suivre :<br /> <br /> <br /> Touche F11 pour le plein écran...<br /> <br /> <br /> Ensuite : CTRL + autant de fois que nécessaire pour agrandir l'image...<br /> <br /> <br /> Pour le retour aux dimansions normales :<br /> <br /> <br /> CTRL - (moins) pour diminuer la taille de l'image ET  ensuite la touche F11.<br /> <br /> <br /> Bien à toi<br /> <br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Merci du renseignement, Gabian, j'essaie tout de suite.<br /> <br /> <br /> <br />
T
<br /> <br /> Un beau texte, du vécu. En le lisant, il apparaît une réalité dont on se demande pourquoi elle n'intéresse pas plus les sociologues : la petite ville. Ce n'est pas une métropole mais ce n'est pas<br /> non plus la campagne. Souvent chef-lieu de canton, parfois sous-préfecture, elle constitue un pole d'attraction et d'échanges pour le pays environnant. Pour qui chercherait à décrire la vie en<br /> France, ces petites villes en forment l'image la plus exacte parce que majoritaire.<br /> <br /> <br /> Et, non loin de Fougères, il y a Combourg, un lieu d'émotion pour les amateurs de mémoires.<br /> <br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Tu as tout compris : mon amour pour cette petite ville (25 mille habitants). Ni ville, ni campagne. Ville à la campagne, plutôt. Confortable au possible. Même un<br /> gros campagnard comme moi y trouve son compte.<br /> <br /> <br /> <br />