Ivresse

Publié le par Serge Prioul

"J'ai longtemps vécu presque essentiellement dans les bars."

Il faut que j'écrive cela.

 

Pourquoi donc, aujourd'hui, si longtemps après

Cette image ressurgit-elle, violente,

Honteusement chargée de souvenirs accablés ?

 

Loin du bonheur, loin du malheur,

C'était les jours d'indifférence.

La vie

Etait d'indifférence.

 

Je caressais à tout moment une magnifique

Femme nue qui jamais ne se donnerait.

 

Ne le savais-je pas ?

 

Une fille rousse toute parfumée d'Irlande.

Un vampire habillé d'or qui hurlait aux soleils levants

Et me hantait au grand jour,

Vierge morte à l'immense soif de moi.

 

Baisers enivrants,

Matins d'écume où tremper mes lèvres !

"J'ai longtemps vécu presque essentiellement dans les bars."

 

J'y étais bien avant d'y être :

Le premier regard sur la chambre

Vers elle portait ma bouche et ma gorge.

 

Qui s'offrait ?

L'oiseau couleur de sang aux ailes d'or ?

L'homme assoiffé de cet amour unique ?

 

Comme je maudissais l'orient aux entrailles,

L'aurore vomissante,

La première toux,

L'impossible lucidité !

 


Une seule source. Une seule lumière.

La beauté rousse parée de nacre, d'envie glacée,

Légères, elle danse pour les hommes

Sur les plateaux froids des bars.

 

Vêtue d'un souffle,

D'un fin nuage en suspension,

Du baiser très long de mon regard

Etrangement lumineux, déjà incandescent.

 

La gaieté venait vite

Car je savais y faire.

Tu te laissais trousser, complice

De mes rires si pleins d'abandons.

 

Huit heures, solitude.

Dix heures, festin.

Midi, déjà l'aventure avec toi.

Enfin force et lumière pour porter mes vies.

 

Tantôt mon insouciance se peuplait de rêves

Où sonnaient les trompettes de la folie.

Tantôt la vie allait, feutrée comme l'avenir proche.

Les mains, déjà, frappaient

Aux portes de chambres capitonnées.

 

En grand bonheur

Je poussais les grilles rouillées

Pour la belle visiteuse.

 

Et je marchais à son bras

Dans un vaste jardin sans odeur

Vers le rendez-vous du soir

Où pourtant personne

Ne m'attendait

Plus.

 

 

Un  texte déjà vieux, mars 1999, qu'une discussion avec un blogueur m'a rappelé l'autre jour. Tout y est dit.

Je le dédie à mon copain Christian, un p'tit gars de Fougères, qui m'a bien aidé sur ce coup-là mais qui, lui, a perdu.

Publié dans Vers libres 1

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M
<br /> <br /> Ok Serge, c'est noté...<br /> <br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Comme dit un chroniqueur sur France Info : "Bien sûr, vous n'êtes pas obligé de me croire..."<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> <br /> Bonjour Serge,<br /> <br /> <br /> Je venais lire la réponse au com que je t'avais laissé sur ce poème, mais pas de réponse et plus de com ?...une fausse manip peut-être.<br /> <br /> <br /> Ce texte est émouvant, et beau, justement parce qu'il est porteur d'émotions !<br /> <br /> <br /> Belle journée<br /> <br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> En effet, j'avais mis le commentaire et ma réponse à la corbeille. C'était une erreur que je viens de rectifier. Tu peux lire... Devais-je dire tout ça ? Tu<br /> jugeras...<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> <br /> Ce poème est très émouvant Serge, vraiment...et tu t'y livres entièrement !<br /> <br /> <br /> Je te tire mon chapeau...mince, je n'ai pas de chapeau ...alors, je te fais la bise <br /> <br /> <br /> Bonne fin de journée Serge<br /> <br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Le personnage est en effet éclectique : campagnard comme un de ces gros paysans de Maupassant, toujours aussi amoureux de la chasse mais n affûtant plus les<br /> couteaux, très épris de l écriture et du mot mais fainéant pour écrire, très curieux de l art mais sortant rarement plus loin que Fougères si ce n est au Portugal une fois l an pour ramasser des<br /> pierres et du soleil, incroyant au possible mais poussant toujours la portes des églises, anarchiste tant qu il peut mais traversant dans les clous, masson tailleur de pierre aux heures<br /> besogneuses, grand fumeur qu un méchant infarctus a remis à sa place, papa aussi colérique que sensible, mon fils dit que je ne mens jamais mais c est mon fils, alcoolique dans une autre vie puis<br /> animant désormais un atelier d écriture dans un centre d alcoologie et malgré tout marié à une femme adorable qui ne méritait pas ça !<br /> <br /> <br />           Tu sais tout. Plus la peine de revenir sur ce blog !<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> <br /> J'aime beaucoup ce poème! Très beau et vrai... enfin, vrai dans sa sensibilité et dans l'émotion qu'il fait passer...<br /> <br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Merci Marc. Ta critique, quelle qu'elle soit me touche toujours et me fait avancer. N'hésite pas à dire ce qui ne te plait pas. Je n'ai pas encore commencé ton<br /> ouvrage sur les grands écrivains. Ou plutôt non : j'ai lu la première page en sortant de chez le libraire, elle m'a beaucoup plu. Un vrai style avec beaucoup de travail. Je garde la suite pour un<br /> moment favorable.<br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> <br /> c'est fort !<br /> <br /> <br /> c'est très fort pour 9h16, à relire ce soir...<br /> <br /> <br /> merci !<br /> <br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Bonjour Laure,<br /> <br /> <br /> Je publie peu. Pas le temps d'écrire. Celui de vivre. Quand on retrouve la force de repousser le rocher, il ne faut pas relever son effort.<br /> <br /> <br /> <br />