Kebab
Cette jolie jeune femme semble ignorer tout ce qui l’entoure. Elle me regarde à peine lorsque je lui emprunte son stylo ( saura-t-elle un jour que c’était pour parler d’elle ?) S’il ne s’agissait que de moi ! Aucun coup d’œil à personne. Dédaigneuse. La meuf au-dessus de la mêlée !
Alors arrive le jeune homme aux yeux verts. C’est un habitué que j’ai souvent remarqué entre le Kebab et le plat du jour. Il se tient dans le dos de la fille. Pourtant, curieusement, elle se retourne - et j’en déduis que le dédain donne des yeux derrière la tête ! Tout à coup elle semble différente, confuse, plus jeune. Je la sens fragile. Elle rougit un peu. Et lorsqu’elle s’adresse au patron du resto, sa voix est moins assurée. Certainement, elle voudrait que le beau gosse la remarque ; ce qui est sûrement le cas, mais comme lui aussi sait cela… sans un regard pour la belle dépitée, il repart, sandwich américain à la main tandis qu’elle reste là, rouge un peu, pendant un bon moment encore et que je lui rends son stylo dont, à ce moment-là, elle n’a vraiment rien à faire !
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Quelques jours plus tard, le même resto rapide, le même Kebab ou bien son frère, le même mal d’estomac qui me torturera cet après-midi mais pour l’heure il ne s’agit que de mater la même jolie blonde qui est revenue. Déjà pourtant, comme chaque fois que s’épuise en moi la part d’étonnement que me réserve toute nouvelle rencontre, je la trouve moins canon et cette usure des choses me peine un peu.
Aujourd’hui - hasard ou calcul ? - la jeune femme s’est assise au bar, à ce coin du bar d’où elle peut observer toute la salle – elle qui hier ne regardait personne ! Elle surveille les entrées. Moi aussi. J’ai même du mal à assurer : la nana, la porte, le Kebab, la harissa, heureusement que l’estomac me fout la paix. Je guette en particulier son teint…Me satisferait un léger rosissement au cas où entrerait le beau gosse aux yeux verts.
Le temps passe, les assiettes se couvrent depuis longtemps de cendres de cigarettes, mon estomac commence à bosser, le type ne viendra pas aujourd’hui. Nous le savons tous les deux. Je suis plus déçu qu’elle !