Septembre 2 - Monologue du soldat, pages retrouvées

Publié le par Serge Prioul

(Septembre 2 parce que mon vieux poste rame trop à mettre en ligne des articles trop longs et ma combine-journal qui veut que je les rallonge jusqu'à la fin du mois, c'est pas trop au point !)

 

22 septembre :

 


Suite du 21 septembre et la chanson retrouvée... Sur le même cahier, ce texte présenté comme une lettre.

 

 

La dernière carotte* 

 

Je me mets aujourd'hui, afin de vous distraire, à vous griffonner ces quelques mots :

 

Si depuis longtemps vous êtes sans nouvelles de votre fils, depuis trois longs mois, chers parents, c'est qu'il vient de m'arriver un accident en vous écrivant virgule tiens il y a virgule je ne savais pas qu'il y avait virgule. C'est sans doute l'autre jour que j'ai laissé traîner ma lettre pour aller quelque part il sera venu un copain qui aura mis virgule là C.B.

Chers parents, si ces quelques mots vous parviennent c'est qu'il va m'arriver un grand malheur. Vous savez que je suis à la guerre, je dis ça les prépare, ça la prépare    non non ça n'y est pas. Je venais juste de finir ma lettre lorsque soudain un obus de cent vingt long emporte ma tête à trois cents mètres. J'en suis resté pâle d'émotion. C'est vrai, j'aurais bien dit à cinquante métres mais ce n'aurait pas été assez loin.

Enfin on me transporte à l'ambulance, le major m'ausculte immédiatement et fait : ce jeune homme, il faut qu'on le panse car il m'a l'air très souffrant. Enfin le délire me gagne et, d'après ce que dit l'officiant, j'ai battu la campagne et pourtant je ne suis pas méchant, je n'ai rien battu du tout non non, c'est des blagues oui.

Enfin, j'ai la tête recollée mais ce n'est pas la même qu'avant. L'ancienne étant trop abîmée, on m'en a remis une en fer blanc, non, non en bois blanc... en fer blanc, ça n'aurait pas pris. En bois blanc, c'est bien ordinaire sa santé devant l'humidité. Tenez, la preuve que ça ne dure guère c'est que j'ai déjà le nez tout piqué.

Enfin, cher parents, si vous voulez m'envoyer une pièce de trois francs je m'en ferai mettre une en ébène, ça sera plus dur et moins salissant.

 

Heureusement qu'ils ne savent pas lire ha. ha. ha.

 

Enfin cher père et mère, pensez à votre fils qui vous aime et vous vénère quoique n'ayant plus sa tête à lui.

 

Un point virgule, trois points,  1 S, c'est fini.

 

                                                        
Signature illisible


*Incertitude sur ce titre qui d'ailleurs ne me semble guère en rapport avec le texte. Je lis d'ailleurs : "la dernière corrote" ce qui ne signifie rien.


*************

 

Un humour de soldat au front. Un témoignage étonnant. J'ai essayé de restituer au mieux cet écrit sur les dernières pages du fameux cahier de chansons. Souvent j'ai ajouté une ponctuation car elle s'imposait, rectifié des fautes d'orthographes et surtout passé pas mal de temps à essayer de déchiffrer le sens. Pour une facilité de lecture, j'ai aussi ajouté des interlignes qui n'existaient pas.

 

Tiens, s'il m'arrivait la même chose qu'à ce soldat, je doute d'avoir assez de cran pour écrire ainsi...

 

21 septembre :

La grève des mères

(chanson ancienne retrouvée)

1er couplet

Puisque le feu et la mitraille,
Puisque les fusils, la mitraille
Font dans le monde des entailles,
Semant de morts plaines et vallons,
Qu’ils renient le dieu fraternité
Femme debout ! Femme à l’ouvrage !
Il faut sauver l’humanité.

Refrain

Refuse de peupler la terre
Arrête ta fécondité
Et déclare la grève des mères,
A tes bourreaux crie ta volonté,
Défends ta chair, défends ton sang
Contre la guerre et les tyrans.

2ème couplet

Pour faire de ton fils un homme
Tu as peiné pendant vingt ans
Alors que la guerre en assomme
En vingt secondes des régiments.
L’enfant qui fut nourri à ton sein
Se meurt dans d’horribles souffrances
Te laissant seule souvent sans pain.

3ème couplet

Est-ce que le ciel à ses frontières
Ne brille-t-il pas le monde entier ?
Pourquoi sur terre des barrières
Pour l’éternel exploité ?
Le meurtre n’est pas une victoire
Qui sème la mort et nous maudit.
Nous voulons plus pour notre gloire
Que donner la chair de nos petits.

Je ne sais pas grand-chose quant à l’écriture et la composition de cette chanson.  Un vieux cahier m’a été confié par la petite fille de l’homme, soldat à l’époque. Quelques erreurs me font penser qu’il l’avait recopiée mais rien n’indique le nom et la qualité de l’auteur.
On lit seulement et difficilement, sur la couverture plus que jaunie, cette  inscription, au crayon à papier, presque effacée :

Hamel Joseph. Maître ouvrier.
Au 2ème génie. 26/6/11.
Zaza Maroc Oriental

1911.
3 ans avant le commencement de la grande boucherie.
Cette chanson interpelle…
Le cri de ce soldat au fond du Maghreb  a quelque chose de puissant et aussi d’infiniment désespéré mais n’augure que d’une énième guerre en un temps où l’on faisait si peu de cas de l’humain.

Le titre :

"La grève des mères"

Et la force du refrain,
« Refuse de peupler la terre,
Arrête ta fécondité »
De par leur subversion ont quelque chose d'extraordinaire. Tout le contraire d'un chant guerrier.

 

Tiens, moi qui suis dans la norme comme un frêlon chinois dans une rûche, j'vais continuer à lire... il y a peut-être encore de la révolte dans l'air dans ce cahier-là !

 

 

 

17 septembre 2010 :

 

 

Extrait de Askennou/Encoches

 

Comment la lumière

S'occupe des choses

Et fait l'océan.

 

Sans même avoir l'air

De s'en prendre au ciel,

 

Comment la lumière

Fait un océan

Où le ciel se noit

 

Dans plus clair que soi.

 

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Penaoz ar sklerijenn

Ra war-dro an traou

Hag a c'hoari mor.

 

Heb ar van zoken

Da damall d'an nenv,

 

Penaoz ar sklerijenn

A c'hoari eur mor

'Leh ma veuz an nenv

 

E sklerroh hag en.

 

 

Poème de Eugène Guillevic traduit en Breton par Pierre Jakez Hellias (1975)

 

 

... parce que la Bretagne est bretonnante dans le fond là-bas avec ses grands poètes et ses écrivains mais l'occasion aussi de rappeler que nos contrées Est de la Bretagne et tout particulièrement Rennes, sa capitale, n'ont jamais été de langue Bretonne mais Gallo, une langue d'Oîl descendant directement du Latin comme le Français et que ça m'agace de voir toute la France croire qu'il n'y a de Bretagne que la Basse et ses chapeaux ronds, que même à Rennes il n'est question que de Bretonnant, que même par ici, en Haute Bretagne, des gens vous saluent d'un Kenavo qui n'a pas plus de sens qu'un Bye Bye ou un Tchao alors qu'on devrait dire : ben l'bonjour, à la revoyure, à te r'vouèr... mais dire aussi que notre Gallo se perd vraiment, combattu longtemps par la République et son école et dissout dans le Français.

N'empêche, on inaugurait hier à Parcé près de Fougères, " La Granjagoul" un centre de valorisation de ce patrimoine immatériel Gallo et qu'on est encore quelques uns dans le pays à y croire et à collecter tout ce qui touche à des traditions rurales dont nous sommes fiers.
Je m'intéresse tout particulièrement au quotidien (voir mon blog Gallo http://louvigne-du-desert.over-blog.com) ce qui ne m'empêche pas d'être aussi très attaché à la langue Française.

Que j'te conte, j'va tâcher d'vous ecri une pôyèterie pour de vra d'de par céz nou aotrs !

(Tiens, je vais essayer de vous écrire un vrai poème de chez nous !)

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R
<br /> <br /> Tu peux les écouter chez moi : ici et<br /> là.<br /> <br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> J'ai bien trouvé l'original des paroles. Elles diffèrent un peu de celles mises en ligne mais je préfère rester fidèle au cahier de mon soldat qui, peut-être les a<br /> recopiées après les avoir entendues et chantées.<br /> <br /> <br /> Merci pour ta proposition d'écoute... sur ton blog sans doute (?) Mais il faudrait m'en dire plus car je ne les ai pas trouvées là...<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> .... je n'ai rien dit... je viens de voir les liens... j'y file...<br /> <br /> <br /> <br />
R
<br /> <br /> La grève des mères (paroles de Montéhus) est un de mes chants de lutte préférés, avec La Chanson de Craonne...<br /> <br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Merci d'être intervenu avec ces renseignements. Je vais chercher sur le net. Je n'ai pas toujours ce réflexe.<br /> <br /> <br /> <br />
I
<br /> <br /> J'ai beaucoup la version française du poème. Pour l'autre, il faudrait un energistrement audio, ça permettrait aux gens comme moi qui n'ont jamais mis un pied en Bretagne d'en entendre les<br /> accents ;)<br /> <br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Hélas je ne parle pas le Breton. Et il me faudrait apprendre à publier du son sur mon blog... c'est beaucoup... je viens juste de mettre des photos et pas sans<br /> mal.(mais affaire à suivre)<br /> Merci de ton mot, Isa et bon dimanche<br /> <br /> <br /> <br />
T
<br /> <br /> ben t'as raison, gas ! j'ajoute que les bretons, y en a des terroristes de la langue ! Pour un peu, il faudrait non seulement le parler, mais l'écirre, et oublier le français. C'est un peu aussi<br /> le cas en corse, en pays basque, en catalogne, il y a des jusqu'auboutistes et intégristes partout.<br /> <br /> <br /> alors, camarade, tcha, bye bye, salute, aur'vouère, et continue à nous donner du bonheur en poésie.<br /> jacques<br /> <br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Merci pour ton mot, Jacques. Je suis attelé à l'écriture "d'un espèce de poème" en Gallo... pas facile ! Je ne te commande pas les ouvrages qui vont sortir bientôt,<br /> faute d'argent, mais je garde le mail sous le coude. Et bravo pour ton courage d'écriture.<br /> <br /> <br /> Grand merci aussi pour ton blog, ça aide à s'endormir un peu moins stressé..<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> <br /> Bonsoir Serge,<br /> <br /> <br /> Dis, si tu nous écris une "pôyèterie", tu nous donnes aussi la traduction !<br /> <br /> <br /> Quant'à la langue bretonne, je ne sais pas la parler, j'en comprends quelques mots et expressions, mais c'est tout !...mes parents le parlaient très bien, mais ils font partie de cette génération<br /> à laquelle on a interdit de parler breton, du mions à l'école...Dommage, j'ai l'impression d'avoir perdu quelque chose !<br /> <br /> <br /> Bonne soirée Serge<br /> <br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Pour ma part je comprends à peu près le gallo, car c'est assez proche du Français et surtout parce que les gens le parlent en partie sans même sans rendre compte.<br /> C'est la République et son école qui, jusqu'à ces dernières années a combattu nos langues.( ce qui ne m'empêche pas d'être républicain, je te rassure !)<br /> <br /> <br /> Et même encore aujourd'hui... Un exemple : en pays gallo : "on va au coiffeur" jamais un prof n'admettra que l'élève parle ainsi. Et c'est ce<br /> prof-là l'inculte, car il devrait savoir que dans la langue gallo que parle l'élève on dit ainsi et lui faire remarquer la différence. Et combien d'autres exemples qui m'échappent pour l'heure<br /> !<br /> <br /> <br /> <br />